Une ferme de 200 ha au Sénégal, qui, au mépris des droits fonciers traditionnels, exproprie les familles qui cultivent la terre depuis des générations. Bien sûr, ces familles expulsées n’ont pas de « titres de propriété » écrits comme on les a conçus au Nord et comme on tend à les appliquer brutalement au Sud !
La propriété (privée) est désormais sévèrement clôturée. « Vous faites cette clôture pour nourrir des poussins. Nous, nous cultivons notre terre pour nourrir des enfants, nos enfants. En plus vous aviez promis la route et l’électricité, et nous n’avons rien eu. »
Réponse de l’investisseur sénégalais : « Quand c’est un étranger qui prend des terres, personne ne dit rien. Quand c’est un sénégalais, cela fait un scandale. D’ailleurs, je vais créer entre 500 et 1000 emplois »
Promesses, promesses
Toujours ces promesses de création d’emplois qui ne sont presque jamais tenues. Mais il y a pire. Transformer des paysans indépendants, vivant de l’agriculture familiale, en salariés ? Des emplois qui dépendent du bon vouloir d’un patron loin dans la capitale, qui pourra faire venir des travailleurs d’autres régions, moins payés. Pour des travaux avec des contrats temporaires.
Et des ponctions sur la nappe phréatique, des coupures de chemin, des destructions de ressources naturelles que l’agriculture traditionnelle avait jusque-là maintenues, depuis des siècles. Le développement à l’enfer.
D’autres solutions existent
Des solutions qui maintiennent l’agriculture familiale. Une agriculture familiale qui intègre des mutations techniques en les combinant aux savoirs traditionnels. Ces options sont nécessaires pour retenir les jeunes dans le monde rural. Ou plutôt pour faire de l’exode rural et de la migration un choix. Et non une décision prise par obligation, par absence de perspectives pour les jeunes.
Cela passe par des solutions qui sécurisent la relation à la terre en puisant dans les ressources des institutions traditionnelles. C’est-à-dire sans passer par la propriété privée et le cadastre qui ne sont qu’une forme particulière de sécurité foncière. Qui intègre les savoirs de l’agro-écologie et les combinent avec les savoirs ancestraux. Qui organise des formes de mises en commun (les « communs ») pour mutualiser les moyens humains, techniques, commerciaux, notamment dans le rapport à l’eau pour les régions où cette ressource est vitale pour maintenir la vie dans la nature… Mais aussi qui valorise le travail et le savoir des femmes. Qui réduisent l’effort physique. Qui augmente dans une certaine mesure les ressources monétaires. Car l’autoconsommation se réduit avec les besoins marchands en médicaments modernes, en téléphone, en gas-oil pour le transport…
Un environnement plus attractif pour les jeunes ruraux
Cela passe par des solutions qui créent un environnement plus attractif pour le monde rural. Routes goudronnées. Ecoles et centres de santé de qualité. Connexion à Internet. Avec des pouvoirs et des moyens accrus aux collectivités locales, lieu d’apprentissage de nouvelles formes de gouvernance. Proches du terrain…
Cohérence des politiques publiques
Il y a encore des grandes institutions, des gouvernants qui favorisent d’une main les investissements dans l’agriculture. Qui exaltent les start-ups, les progrès technologiques et l’emploi d’engrais chimiques présentés comme signe de modernité et de productivité…
Toutes ces actions jettent des milliers de jeunes dans l’exode rural… Prélude souvent à l’émigration vers d’autres l’pays du Sud et vers l’Europe… Ces mêmes institutions, ces mêmes gouvernants cherchent à freiner de l’autre main l’émigration vers l’Europe.
Alors on fait quoi ? On continue ? Ou on change d’orientation ?
Voir « Du travail? Il y a des millions d’emplois dans l’agriculture familiale » ==> ICI
Sur l’agriculture familiale ==> ICI
Par Jacques Ould Aoudia : 07-09-2020.
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