Les camps de réfugiés ont déjà en temps normal de grands défis à relever en matière d’eau potable, de distribution de nourriture, d’hygiène, de soins de santé, de soutien psychologique et d’éducation, notamment. Imaginez ce que c’est en pleine pandémie de COVID-19. Développement et Paix – Caritas Canada, qui est notamment actif dans le plus grand camp de réfugiés au monde, celui des Rohingyas au Bangladesh, raconte.
Environ 750 000 Rohingyas, une minorité apatride, ont fui le Myanmar après avoir été victimes d’une explosion de violences, amorcée le 25 août 2017, dans l’État de Rakhine. Ils se sont réfugiés dans le pays voisin, le Bangladesh. La plupart vivent dans des camps surpeuplés, dont le plus grand, Kutupalong-Balukhali, accueille plus de 600 000 réfugiés sur 13 kilomètres carrés. Développement et Paix – Caritas Canada est présent depuis le début de la crise dans ces camps avec son partenaire, Caritas Bangladesh.
« Notre partenaire est un leader dans les camps et il est actuellement très actif dans la construction d’abris, mais lorsque la pandémie a éclaté, le gouvernement avait réduit au strict minimum les services humanitaires qu’on pouvait donner pour que tous les efforts soient concentrés sur la prévention de la transmission du virus », explique Dominique Godbout, chargée de programmes d’aide humanitaire responsable du dossier des Rohingyas au Bangladesh chez Développement et Paix – Caritas Canada.
Stations pour se laver les mains, masques, explications données sur la transmission du virus : il fallait multiplier les efforts malgré les moyens limités. Finalement, le pire n’est pas arrivé.
« Alors qu’ils vivent à 10 entassés dans un abri, le virus aurait vraiment pu se répandre comme une traînée de poudre, affirme Mme Godbout, qui a visité ces camps avant la pandémie. Étonnamment, moins de 300 cas ont été confirmés. C’est certain qu’il y en a eu plus parce que les capacités de dépistage sont assez minimes et que certains ont dû cacher leurs symptômes par peur d’être stigmatisés, mais c’est loin d’être la catastrophe. »
Puis, après les fortes pluies de juin qui ont causé beaucoup de dommage et des pressions faites sur le gouvernement, par le Canada notamment, la construction d’abris a pu reprendre.
« Le Bangladesh, qui est très pauvre, a fait preuve d’une grande hospitalité en accueillant tous ces réfugiés alors que sa population est déjà dans le besoin, indique Dominique Godbout. Mais ce pays ne souhaite pas que ces réfugiés restent. Longtemps, on ne pouvait rien bâtir de durable dans les camps. Mais le gouvernement est un peu en train de se résigner, parce que ces réfugiés ne peuvent pas retourner au Myanmar, qui ne fait pas d’effort pour négocier leur retour. »
Le pour et le contre de l’immobilité
Si les gens dans les camps de réfugiés sont particulièrement vulnérables à la transmission communautaire du virus, il n’en demeure pas moins qu’ils sont aussi un peu protégés de la contamination.
« Il n’y a pas beaucoup de gens qui ont envie de visiter les camps et les travailleurs humanitaires de l’étranger ont rapidement cessé de s’y rendre, alors c’est difficile pour le virus d’atteindre les camps », indique Stéphane Vinhas, coordonnateur de l’aide humanitaire à Développement et Paix – Caritas Canada.
Seulement, contrairement à la situation des Rohingyas au Bangladesh, les réfugiés dans le monde sont de moins en moins dirigés vers des camps, mais de plus en plus mêlés aux populations locales.
« Avec la quarantaine imposée pour bloquer le virus, on bloque le mouvement des gens, indique Stéphane Vinhas. Mais qu’arrive-t-il à ceux qui n’ont pas d’autre choix que de bouger ? Si on dit aux gens de rester chez eux, d’abord il faut qu’ils aient un chez eux. Ensuite, s’ils vivent au jour le jour, en faisant de petites ventes dans la rue, ils ont besoin de sortir, sinon ils meurent de faim. »
Stéphane Vinhas croit donc que bien des réfugiés ont davantage peur de mourir des conséquences de la COVID-19 que du virus lui-même.
« Contrairement au Canada qui a mis en place des mesures pour soutenir sa population, les pays du Sud n’ont pas cette capacité, alors les gens doivent continuer à sortir pour se nourrir. » Par ailleurs, les personnes sont plus vulnérables au virus si elles ne s’alimentent pas correctement, affaiblissant ainsi leur système immunitaire.
« C’est un cercle vicieux, affirme Stéphane Vinhas. C’est le même problème avec l’éducation. Les gens sont plus vulnérables au virus s’ils n’ont pas d’éducation. Alors que les dons ont chuté avec la pandémie, le travail doit continuer à se faire sur le terrain malgré la COVID-19. Et même d’autant plus, en raison de la COVID-19.
Par Martine Letarte : Le Devoir : 2020-11-07
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