par François Gérin-Lajoie et Pierre Beaudet, membres du conseil d’administration de RISE et respectivement président du Conseil d’Administration de la Fondation Paul Gérin-Lajoie et professeur à l’Université du Québec en Outaouais. publié dans le journal Le Devoir, 26 mars 2020
Chaque jour chaque heure, la pandémie s’infiltre partout après avoir traversé la Chine, l’Iran, une partie de l’Europe et maintenant ici en Amérique du Nord. En Afrique, en Asie du Sud, en Amérique centrale et du Sud, la situation, en apparence, n’a pas atteint les mêmes niveaux. Mais est-ce une illusion ? En Tunisie, un pays qui a relativement parlant une infrastructure de santé meilleure que dans bien d’autres pays maghrébins et africains, une infime proportion de la population a été testée, quelques centaines tout au plus (au Québec, on fait maintenant 5000 tests par jour !). C’est évidemment pire dans plusieurs pays où les services sanitaires sont minimaux, comme au Burkina Faso, au Burundi, en République démocratique du Congo. Même l’Afrique du Sud, pourtant mieux pourvue que la plupart des pays africains, n’est pas prête, selon les experts en la matière. On se souvient que le VIH-SIDA avait dévasté ce pays (plus de 350 000 morts), alors qu’un effort systématique avait été fait pour réduire l’impact dans la plupart des pays du nord.
Une autre problématique est reliée aux conditions de vie qui prévalent dans les régions les plus pauvres. Dans les « favellas » (bidonvilles au Brésil), des millions de personnes vivent entassées les unes sur les autres. Ailleurs dans cette immense « planète des bidonvilles (où on trouve plus d’un milliard de personnes), les logements sont insalubres. L’accès à l’eau et à l’électricité est au mieux intermittent. À Gaza, la population est enfermée par l’armée israélienne pendant que l’aide parvient au compte-goutte. Un peu partout, la couverture médicale est minimale. Dire aux gens qu’ils doivent retourner chez eux entassés et sans espace et attendre que la pandémie se calme est totalement irréaliste.
Il importe de souligner le cas de populations encore plus vulnérables, comme les millions de réfugiés (notamment les Syriens en Turquie et au Liban et les Rohingyas au Bangladesh), sans compter le nombre encore plus grand de personnes déplacées par les conflits, en République démocratique du Congo, au Burundi, au Soudan, au Venezuela. Avec tout cela, on peut craindre un désastre humanitaire d’une grande envergure.
Alors que faire ?
Québec et Ottawa viennent d’annoncer un train de mesures qui auront de l’impact à court terme ici. Dans ce sens, on doit être contents de ne pas vivre au Texas ou en Californie où la déliquescence de Donald Trump risque de coûter très cher. Si nous applaudissons à cela, cette réponse nous semble insuffisante puisque, comme on le sait, on vit sur la même petite planète. Outre les impératifs éthiques, cela est une erreur de penser qu’on va pouvoir régler le problème en s’occupant seulement de nous-mêmes. Il est donc requis un grand effort du Canada, mais également d’autres pays disposant de moyens, pour aider à faire face à la pandémie au sud. Dans le passé, les grandes épidémies ont parfois, avec des retards et des difficultés, abouti à des initiatives internationales conjointes. Pensons par exemple au défi du VIH-SIDA, Après une dure bataille des ONG, plusieurs États ont imposé aux grandes multinationales pharmaceutiques de laisser tomber leurs brevets sur les médicaments antirétroviraux, ce qui a permis de sauver des millions de vie.
Aujourd’hui, on devrait penser à une campagne mondiale, coordonnée par l’ONU et les grands acteurs de la santé et de l’aide humanitaire comme la Croix-Rouge et l’Organisation mondiale de la santé, avec l’appui des ONG et des citoyens concernés (qui sont des millions). Cela pourrait faire la différence, en autant que les pays donateurs, dont le Canada, soient disposés à mettre la main à la pâte. Par exemple, dans plusieurs pays, on n’a même pas suffisamment d’équipements pour procéder aux tests. Dans les centre médicaux, il n’y pas assez de ventilateurs. Des outils simples et nécessaires (comme les masques et les gants) ne sont pas disponibles. On n’a pas de moyen pour aménager, comme on le fait au Québec, des chambres pour accueillir les malades. Les besoins sont énormes. Pourrait-on se cotiser, à l’échelle de la planète, pour apporter un peu d’aide?
Pourrait-on envisager, parallèlement, d’autres mesures d’urgence, qui permettraient aux pays les plus pauvres de souffler un peu ? Comme par exemple l’allègement ou le report de la dette, qui grève terriblement les budgets dévolus à la santé dans plusieurs pays africains et latino-américains ?
Ce sont quelques exemples pour dire qu’on pourrait bouger rapidement et efficacement et qu’en plus de l’aide d’urgence, on enverrait aux populations concernées un message d’espoir et de solidarité qui sans doute remonterait le moral et la confiance. Soyons non seulement généreux, mais pro-actifs dans une situation qui se développe à l’échelle de la planète. Oui comme nous le répète François Legault, on va s’en sortir, mais tout le monde ensemble, et pour cela, ce n’est pas suffisant que de se contenter de montrer l’exemple !
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