La question des « droits humains » n’a jamais fait partie des priorités de la Banque mondiale. Invariablement dans les conditionnalités fixées par la Banque, un droit passe avant tout : le droit individuel de propriété privée qui en pratique favorise les grands propriétaires qu’ils soient des individus riches ou des sociétés nationales et transnationales. Dans les conditionnalités soutenues par la Banque mondiale, on ne trouve pas de référence aux droits collectifs des populations et des individus. Pourtant en tant qu’institutions multilatérales, la Banque mondiale et le FMI sont soumis à l’application des traités internationaux et aux droits tant individuels que collectifs qui y sont affirmés.

S’il est question de droits humains à la Banque mondiale, ce n’est pas dans le sens progressiste retenu par les grands textes des Nations unies. Les idéologies ont leur lecture spécifique du droit. Jean-Philippe Peemans rappelle avec justesse : « De toute manière, dans l’optique occidentale prédominante aujourd’hui, les droits humains sont conçus avant tout comme concernant la liberté d’action individuelle, la non-interférence dans le monde privé des affaires économiques, le droit de disposer librement de la propriété, et surtout l’abstention de l’État de tout acte qui violente la liberté individuelle d’investir du temps, du capital et des ressources dans la production et l’échange… Pour les néo-libéraux, les revendications sociales et culturelles peuvent être des aspirations légitimes, mais jamais des droits… la vision néo-libérale refuse toute approche collective des droits. L’individu est le seul objet pouvant réclamer des droits, et de même les seuls violateurs du droit ne peuvent être que des individus qui doivent en prendre la pleine responsabilité. On ne peut attribuer des violations de droits ni à des organisations, ni à des structures ». La Banque mondiale, comme le FMI, s’appuie sur ce postulat pour se dédouaner de toute responsabilité en termes de respects des droits sociaux économiques et culturels. Pourtant, ces droits sont indissociables des droits civils et politiques et il est impossible de respecter les droits individuels si les droits collectifs ne sont pas pris en compte. L’exigence de transparence et de bonne gouvernance vaut pour tout le monde. Les IFI les exigent de la part des gouvernements des pays endettés, mais elles se permettent de l’ignorer pour elles-mêmes. L’exigence d’évaluer et de rendre compte des activités réalisées ne doit pas se limiter aux États mais elle doit s’étendre aussi au secteur privé et, avec une intensité particulière, à la sphère des organisations internationales, étant donné que leurs activités, leurs politiques et leurs programmes ont un impact très important sur l’effectivité des droits humains. Les plans d’ajustement structurel ont des conséquences tellement négatives en termes de dégradation des droits économiques, sociaux et culturels (particulièrement sur les plus vulnérables), ainsi que sur l’environnement que l’on doit exiger de ces institutions qu’elles répondent de leurs actes.

L’ajustement structurel ne respecte pas les droits humains

Malgré les textes internationaux constituant le cadre juridique de protection des droits humains, le FMI et la Banque mondiale « fonctionnent selon la logique des entreprises financières privées et du capitalisme mondial, sans grande considération des résultats sociaux et politiques de leurs actions ».

Le Rapport commun, présenté à la Commission des Droits de l’homme de l’ONU, par le Rapporteur spécial et l’Expert indépendant, affirme : « Pendant près de 20 ans, les institutions financières internationales et les gouvernements des pays créanciers ont joué à un jeu ambigu et destructeur consistant à télécommander les économies du tiers monde et à imposer à des pays impuissants des politiques économiques impopulaires, prétendant que la pilule amère de l’ajustement macroéconomique finirait par permettre à ces pays de trouver le chemin de la prospérité et du désendettement. Après deux décennies, dans de nombreux pays, la situation est pire que lorsqu’ils ont commencé à mettre en œuvre les programmes d’ajustement structurel du FMI et de la Banque mondiale. Ces programmes d’austérité rigoureux ont eu un coût social et écologique considérable et dans beaucoup de pays l’indice du développement humain a dramatiquement chuté ».

De manière ferme, il rappelle que « l’exercice des droits fondamentaux de la population des pays débiteurs à l’alimentation, au logement, à l’habillement, à l’emploi, à l’éducation, aux services de santé et à un environnement salubre ne peut pas être subordonné à l’application de politiques d’ajustement structurel et de réformes économiques liées à la dette… ».

Or les politiques imposées par les IFI subordonnent l’obligation du respect des droits humains, y compris la légitimité des gouvernements, à l’application dogmatique de leurs programmes. En réalité, les programmes d’ajustement structurel vont au-delà «  de la simple imposition d’un ensemble de mesures macroéconomiques au niveau interne. Ils [sont] l’expression d’un projet politique, d’une stratégie délibérée de transformation sociale à l’échelle mondiale, dont l’objectif principal est de faire de la planète un champ d’action où les sociétés transnationales pourront opérer en toute sécurité. Bref, les programmes d’ajustement structurel (PAS) jouent un rôle de « courroie de transmission » pour faciliter le processus de mondialisation qui passe par la libéralisation, la déréglementation et la réduction du rôle de l’État dans le développement national ».

La Commission des Droits de l’Homme de l’ONU a également souligné que les politiques d’ajustement structurel ont de graves répercussions sur la capacité des PED de mettre en place des politiques nationales de développement dont l’objectif premier est de respecter les droits humains, spécialement les droits économiques sociaux et culturels à travers l’amélioration des conditions de vie des populations locales.

Selon le Rapport de Bernard Muhdo, Expert indépendant, les politiques d’ajustement structurel, fruit d’une politique consciemment élaborée et appliquée par les responsables du FMI et de la Banque mondiale, ont eu des conséquences extrêmement négatives sur les droits économiques sociaux et culturels, spécialement en ce qui concerne la santé, l’éducation, l’accès à l’eau potable, la sécurité alimentaire, etc. Le même Expert constate que les politiques menées par les IFI ont été contestées par les citoyens par le biais de mouvements de protestations, violemment réprimés par les gouvernements et les pouvoirs publics afin de garantir que les plans imposés par ces institutions soient réalisés (privatisation de l’eau, privatisation de l’électricité, privatisation des transports publics, privatisation des hôpitaux, libéralisation des prix de médicaments, du pain et d’autres biens de première nécessité, protection des intérêts des transnationales en matière d’investissements et appropriation des ressources naturelles communes, etc.). Il y a en conséquence un lien étroit entre la violation massive des droits économiques, sociaux et culturels et la violation massive des droits civils et politiques.

Face à ce type de violation des obligations internationales de la part des pouvoirs publics de l’État concerné, le FMI et la Banque auraient dû rappeler aux gouvernements leurs obligations internationales en matière de protection des droits civils et politiques et des droits humains en général. Au lieu de les stopper ou les suspendre, ces institutions ont poursuivi et intensifié leur application. L’indifférence et même le cynisme sont exprimés sans fard dans cette phrase prononcée durant la réunion de l’Expert indépendant avec des responsables du FMI : «  …pour le FMI, bloquer un programme en raison de violations des droits de l’homme n’était pas judicieux » .

A priori, c’est un fait extrêmement grave : ces institutions agissent comme si elles n’étaient redevables d’aucune obligation internationale, si ce n’est celles liées aux accords commerciaux ou aux accords sur les investissements. Bien sûr, elles suivent en cela un but bien précis. En 1999, l’Expert indépendant désigné par la Commission des droits de l’homme a identifié, avec justesse, le processus de mondialisation et le rôle des institutions financières comme faisant partie de la « contre-révolution néolibérale ».

Selon le droit international, tant conventionnel que coutumier, il existe des principes et des règles juridiques de base ou fondamentaux qui ont trait à la protection internationale des droits humains dont la portée s’étend à tous les sujets de droit international.

États, institutions financières internationales et intérêts privés

La Banque mondiale comme le FMI ne sont pas des abstractions, les décisions en leur sein sont prises par des hommes et aussi quelques femmes qui agissent au nom de leurs États ou de groupes d’États. Or, les États sont eux-mêmes incontestablement liés par les documents des Nations unies. Les États membres de la Banque mondiale et du FMI sont donc, comme les autres, dans l’obligation de tenir compte du respect obligatoire des droits de l’homme dans les décisions qu’ils prennent au sein de ces institutions.

Il faut même aller plus loin. Dans le processus de mondialisation, suite à l’action des sociétés transnationales, du G7 et des institutions financières internationales, les pouvoirs publics nationaux et locaux ont été délibérément dépossédés de leurs pouvoirs en matière économique et sociale. Les États interviennent de plus en plus pour assurer l’exécution des intérêts privés au lieu d’assurer le pleine jouissance des droits humains. Pour la Banque mondiale, tout le problème du sous-développement et de la pauvreté se réduit pratiquement au fait que les pouvoirs publics interviennent trop dans le social et dans l’économie, entravant souvent l’action et les activités du secteur privé. Ainsi, le Président de la Banque mondiale, dans un document portant le titre de Développement du secteur privé, confirme qu’« une croissance entraînée par le secteur privé est essentielle à un développement durable et à la réduction de la pauvreté » .

Les institutions financières internationales s’en prennent aux États alors que dans le rapport soumis à l’Assemblée générale de l’ONU, le Secrétaire général des nations unies affirme : « Aujourd’hui, on tend généralement à demander aux gouvernements d’assumer trop de responsabilités, oubliant que l’ancienne conception du rôle de l’État dans le développement n’a plus cours… Et alors que rien n’est dit des responsabilités internationales ou du rôle de l’économie mondiale et de ses mécanismes et instruments, ou encore de leur contribution au système politique actuel et au régime de gouvernement du monde moderne – responsabilités qui incombent à ces systèmes -, l’on impute aux gouvernements des maux, des difficultés et des problèmes qui trouvent essentiellement leur origine sur la scène internationale. Or, ce type de démarche n’est ni objectif, ni juste, en particulier à l’égard des pays en développement qui n’ont guère leur mot à dire dans les décisions fondamentales prises à l’échelle internationale et qui, pourtant, sont accusés d’entraver le développement, tandis que les causes profondes des inégalités sur le plan international sont passées sous silence… ».

C’est donc une erreur de fond de considérer les États comme les seuls responsables de la violation des droits de l’homme lors de l’application des règles commerciales multilatérales ou à la suite de l’application des mesures imposées par le FMI et la Banque.

Cette thèse est très répandue au sein du FMI et de la Banque : les responsables des violations des droits de l’homme seraient en fait les États membres, pris individuellement car ce sont eux qui décident finalement les politiques que ces institutions doivent appliquer.

Cette prétention de dé-responsabilisation est irrecevable en droit international.

Tant le FMI, la Banque mondiale que l’OMC sont avant tout des Organisations internationales dans le sens strict du terme. En tant que telles, elles possèdent une personnalité juridique internationale, elles ont leurs propres organes, elles sont dotées des compétences par le traité ou accord de base (compétences d’attribution). Et surtout, en tant qu’organisations internationales, elles ont des droits et des obligations.

En règle générale, il va donc de soi qu’aucune entité sérieuse, aucune organisation internationale qui prétend agir comme sujet de droit international, aucune organisation internationale qui entend exercer ses compétences et qui prétend avoir une personnalité juridique internationale ne peut sérieusement argumenter qu’elle est exemptée de respecter les obligations internationales, spécialement les règles de protection des droits humains. En tant que sujet de droit international, toute organisation internationale est soumise au droit international, incluant la soumission aux règles de protection des droits humains.

La Déclaration universelle des Droits de l’homme

Incluse dans le corpus du droit coutumier, la Déclaration universelle des Droits de l’homme est, comme son nom l’indique, universelle ; elle lie donc les États et les autres sujets de droit international dans leurs actions spécifiques et dans leurs responsabilités. Aucun organisme international ne peut s’abriter derrière son règlement intérieur pour se considérer affranchi du respect des accords internationaux ratifiés par ses membres.

Les institutions internationales ont donc obligation de créer les conditions pour la pleine jouissance de tous les droits humains, le respect, la protection et la promotion de ces droits. Or les programmes d’ajustement structurel, comme indiqué plus haut, s’en différencient nettement. Aujourd’hui rebaptisés « stratégies de lutte contre la pauvreté », ils postulent que la simple croissance économique apportera d’elle-même le développement, ce qui est démenti, entre autres, par les rapports annuels du Programme des Nations unies pour le Développement (PNUD). La dite croissance économique telle qu’elle est proposée par les institutions financières internationales, bénéficie surtout aux couches les plus privilégiées de la société et augmente toujours plus la dépendance des pays du Tiers Monde. De plus, la croissance économique réellement existante est fondamentalement incompatible avec la préservation de l’environnement.

La Déclaration du Droit au Développement

Cette vision du développement, défendue avec acharnement par la Banque mondiale malgré ses échecs patents, n’est pas compatible avec un texte aussi abouti et éminemment social qu’est la Déclaration du Droit au Développement des Nations unies adoptée en 1986 :

Article premier : 1. Le droit au développement est un droit inaliénable de l’homme…

2. Le droit de l’homme au développement suppose la pleine réalisation du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes qui comprend (…) l’exercice de leur droit inaliénable à la pleine souveraineté sur toutes leurs richesses et leurs ressources naturelles.

Article 3 : 2. La réalisation du droit au développement suppose le plein respect des principes de droit international…

Article 8 : 1. Les États doivent prendre sur le plan national toutes les mesures nécessaires pour la réalisation du droit au développement… Il faut procéder à des réformes économiques et sociales appropriées en vue d’éliminer toutes les injustices sociales.

C’est en mars 1981 que la Commission des droits de l’homme des Nations unies a proposé au Conseil économique et social l’établissement du premier groupe de travail sur le droit au développement. Ce groupe s’est réuni une douzaine de fois au cours des années 1980 et a abouti à l’adoption de la Résolution 41/128 de l’Assemblée générale de l’ONU, le 4 décembre 1986, connue sous le nom de Déclaration du Droit au Développement. « Un seul pays osa voter contre : les États-Unis, sous prétexte que cette Déclaration était confuse et imprécise, refusant le lien entre développement et désarmement, tout comme l’idée même d’un transfert de ressources du Nord développé vers le Sud sous-développé. Huit pays s’abstinrent : Danemark, Finlande, Allemagne fédérale, Islande, Israël, Japon, Suède et Grande-Bretagne, insistant quant à eux sur la priorité des droits individuels sur les droits des peuples et refusant de considérer que l’aide au développement constitue une obligation de droit international  ».

La Charte des Nations unies et les institutions spécialisées

Bien que ce soit une résolution de l’Assemblée générale des nations unies, la Déclaration du Droit au Développement n’a pas en pratique le caractère contraignant des traités internationaux. Mais d’autres textes peuvent jouer ce rôle : la Charte des Nations unies (préambule, paragraphe 3 de l’article 1 et articles 55 et 56) est non seulement le document constitutif des Nations unies, mais également un traité international qui codifie les principes fondamentaux des relations internationales. Les deux pactes sur les droits civils et politiques et sur les droits économiques, sociaux et culturels sont aussi des textes normatifs liés au droit au développement : tous les droits énoncés dans ces pactes font partie du contenu du droit au développement.

Les textes principaux des Nations Unies visent aussi bien les droits individuels que les droits collectifs, le droit au développement que le droit à la souveraineté politique et économique des États. En fait, la Banque mondiale, mais aussi le FMI, l’OMC, les sociétés transnationales, n’ont jamais accepté d’y être soumis.

Ces institutions ont pu jouir d’une terrifiante impunité jusqu’ici car malgré quelques avancées intéressantes, le droit actuel est loin d’être parfait. Bien sûr une série d’instruments et de juridictions en matière de crimes contre les droits humains individuels et de crimes contre l’humanité existe, mais d’autres crimes qui font un grand nombre de victimes à travers le monde – les crimes économiques – ne font encore l’objet d’aucune juridiction internationale, d’aucune convention, d’aucune définition internationale à ce jour.

La Banque mondiale, institution spécialisée des Nations unies

Par ailleurs, la Banque mondiale correspond à la définition d’une des « institutions spécialisées créées par accords intergouvernementaux et pourvues, aux termes de leurs statuts, d’attributions internationales étendues dans les domaines économique, social, de la culture intellectuelle et de l’éducation, de la santé publique et autres domaines connexes  ». Ainsi définie, elle est reliée au système des Nations unies à travers le Conseil économique et social (connu sous l’abréviation anglaise ECOSOC, qui agit sous l’autorité de l’Assemblée générale), selon l’article 57 paragraphe 1 de la Charte des Nations unies.

Le système onusien est basé sur la coopération internationale, et notamment sur la coopération économique et sociale internationale.

Selon l’article 55, en vue de créer les conditions de stabilité et de bien-être nécessaires pour assurer entre les nations des relations pacifiques et amicales fondées sur le respect du principe de l’égalité des droits des peuples et de leur droit à disposer d’eux-mêmes, les Nations unies agiront, parmi d’autres, en faveur :

a. du relèvement des niveaux de vie, le plein emploi et des conditions de progrès et de développement dans l’ordre économique et social ;

b. de la solution des problèmes internationaux dans les domaines économique, social, de la santé publique et autres problèmes connexes, et la coopération internationale dans les domaines de la culture intellectuelle et de l’éducation ;

c. du respect universel et effectif des droits de l’homme et des libertés fondamentales pour tous, sans distinction de race, de sexe, de langue ou de religion.

Tout le système des Nations unies est fondé sur les principes suivants :

  1. égalité souveraine de tous ses Membres.
  2. les Membres doivent remplir de bonne foi les obligations qu’ils ont assumées aux termes de la Charte.

Par conséquent, d’un point de vue historique et contrairement à leurs proclamations, le FMI et la Banque mondiale sont des institutions spécialisées des Nations Unies. En tant qu’institutions spécialisées, elles sont liées par la Charte des Nations unies.

Il est donc inévitable de se poser la question suivante : la Banque mondiale et le FMI sont-ils tenus de respecter les obligations énoncées dans la Charte des Nations unies, incluant l’obligation de respecter les droits humains ?

La Cour internationale de justice l’a bien rappelé dans l’affaire de Barcelone Traction et dans celle du Timor Oriental : les statuts de la Banque mondiale sont entièrement traversés par les obligations découlant du droit coutumier, en particulier les obligations erga omnes et les règles jus cogens. Ces obligations, appelées aussi droit impératif, signifient que les règles de droit international quelle que soit leur nature, sont toujours juridiquement obligatoires, leur violation entraîne des conséquences juridiques particulières en rapport avec les obligations et les droits qui découlent de celles-ci. Il en va, par exemple, du principe d’égalité souveraine des États, de l’interdiction de l’utilisation de la force, de l’interdiction de la torture, de l’interdiction de la disparition forcée des personnes, présentant tous un caractère impératif. Les règles jus cogens font partie intégrale de l’ordre public international dont aucun sujet ne peut se soustraire, qu’il ait ratifié ou non des traités ou des conventions internationale. Les obligations erga omnes, très proches du jus cogens, concerne, comme l’a remarqué la Cour international de justice (CIJ), l’obligation juridique (mieux encore, l’obligation de prévention et de répression) qu’ont tous les sujets de droit international, vu l’importance des droits en jeu, de protéger ces droits, en particulier l’obligation de respecter et faire respecter en tout temps et en toutes circonstances les droits humains.

S’il est exact que la Banque mondiale et le FMI sont indépendants de l’ONU dans leur fonctionnement, il leur appartient cependant de respecter les droits humains et le droit coutumier en général.

Les IFI doivent intégrer cette obligation dans l’élaboration et la mise en œuvre de leurs politiques : aucun sujet de droit international ne peut se soustraire à ces obligations en invoquant l’absence de mandat explicite ou l’argument de la « non politisation », ou encore moins une interprétation restrictive des droits économiques, sociaux et culturels comme étant des éléments moins contraignants que les droits civils et politiques.

Ce dernier aspect a été bien souligné par Eric David qui affirme, en ce qui concerne le droit applicable aux IFI, que : «  les droits plus spécifiquement concernés par une situation de dégradation économique et sociale sont les droits économiques, sociaux et culturels. Une telle situation menace en effet la jouissance de ces droits par des catégories plus ou moins larges de la population. Il n’est d’ailleurs pas exagéré de dire que les situations d’extrême pauvreté aboutissent à une violation d’à peu près tous les droits économiques, sociaux et culturels…  ».

L’auteur précité continue «  … si les droits affectés par les PAS sont a priori les droits économiques et sociaux, il peut arriver que, par ricochet, l’atteinte à ces droits entraîne aussi une violation des droits civils et politiques des personnes concernées ».

Conclusion

Tant la Banque que le FMI ne peuvent invoquer leur « droit constitutionnel » pour se dérober aux obligations de protéger les droits humains sous prétexte que leurs décisions doivent être guidées exclusivement par des considérations d’ordre économique.

Il est important de souligner que les politiques menées par les institutions de Bretton Woods, dont la portée des activités est vaste, ont des répercussions directes sur la vie et les droits fondamentaux de tous les peuples.

Par Eric Toussaint : 25-10-2020.