« Lorsqu’on parle d’immigration au Québec, on pense en général aux Haïtiens ou aux Syriens qui viennent ici, ou aux enjeux migratoires en Europe. Mais, en réalité, la majorité de la migration se fait dans les pays limitrophes », souligne Frédérique Thomas, directrice de la programmation à Mission inclusion. Plusieurs organismes ont mis en place des programmes pour aider les pays qui accueillent ces mouvements de population sans précédent.

Selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, sur les 80 millions de personnes déracinées à la fin de l’année 2019 — un chiffre qui a doublé en une décennie —, plus de 73 % se trouvaient dans un pays limitrophe de leur pays d’origine et 85 % étaient accueillis par des pays en développement.

Or, ces pays d’accueil n’ont souvent pas les structures pour accueillir ce flot de population. « Dans ce contexte, la solidarité internationale est absolument nécessaire », affirme Céline Füri, coordonnatrice humanitaire à Oxfam-Québec. Par le fruit du hasard géographique, le Canada reçoit moins de réfugiés parce qu’il est loin des conflits. C’est donc sa responsabilité en tant que pays plus aisé de soutenir les pays qui le sont moins, non seulement en agissant à la source à l’aide de programmes de développement (afin que les populations aient de meilleures conditions de vie et ressentent moins l’obligation de s’en remettre à la fuite), mais aussi en aidant les pays d’accueil et les populations déplacées.

Aider les réfugiés

Oxfam-Québec œuvre au Liban depuis 1993, notamment dans la vallée de la Bekaa où plusieurs réfugiés syriens se retrouvent dans des camps informels, sur des terres bon marché et mal desservies par les services essentiels. Oxfam-Québec pallie ces manques en assurant ou en restaurant l’offre de services de base (eau, collecte des déchets, etc.), afin que ces personnes puissent vivre de façon digne et préservent leur santé grâce à de bonnes pratiques d’hygiène, surtout en ces temps de COVID-19.

D’autres actions visent à mieux informer les migrants sur leurs droits, et plus particulièrement les femmes et les filles. « Celles-ci subissent davantage de discrimination ou de la violence », explique Mme Füri. En les renseignant sur les services offerts (de santé, d’aide psychologique ou juridique) et en formant des bénévoles dans les communautés pour mieux informer les femmes sur leurs droits, Oxfam-Québec veut outiller ces réfugiées.

Cet accent mis sur les femmes est également présent dans l’ensemble des interventions d’Oxfam-Québec, notamment au Venezuela. « Les femmes vont partir vers la Colombie, seules ou avec une personne à leur charge, et s’exposent à beaucoup de risques, surtout en traversant la frontière où se trouvent des groupes armés », soulève Mme Füri.

Aider les populations hôtes

L’extrême nord du Cameroun fait en ce moment face à une crise humanitaire sans précédent : secouée par les actes terroristes du groupe Boko Haram, la région accueillait en 2020 plus de 500 000 personnes déplacées. « Ça a fragilisé une situation qui était déjà assez fragile », affirme Frédérique Thomas. De ces personnes, environ la moitié se retrouve dans le camp de réfugiés de Minawao, et l’autre, dans des communautés locales. La région d’accueil, dans le Sahel, était déjà aux prises avec des problèmes de malnutrition et de sécurité alimentaire, à cause de conditions de production agricole difficiles.

Mission inclusion (anciennement L’Œuvre Léger) « vient répondre aux besoins des personnes vulnérables, c’est-à-dire les réfugiés, mais également les communautés hôtes », explique Mme Thomas. Soins de santé gratuits, sensibilisation aux questions d’hygiène, de sécurité alimentaire et de prévention des maladies hydriques font partie des actions de l’organisme. « L’objectif de ces interventions est donc aussi de prévenir les tensions et les réactions xénophobes », soutient par ailleurs Mme Füri.

Alors qu’on parlait en 2013 d’une intervention d’urgence, force est de constater que la situation se prolonge, et la réponse doit s’ajuster. « On fait des actions qui aident les réfugiés à s’intégrer à la société pour qu’ils puissent prendre en main leurs propres besoins », souligne Mme Thomas. Des actions comme « cash for work », ou des activités agricoles sur des parcelles de terre négociées avec la communauté hôte, permettent aux migrants de subvenir à leur besoin.

Tout ça, dans un cadre de justice. « Les migrants ont des droits. Le droit à la vie, à la nourriture décente, à la santé, et à la protection de leur famille. Nous voulons les faire entrer dans le système du pays d’accueil, pour qu’ils aient accès à ces droits », soutient Mme Thomas.

Par Catherine Couturier : Le Devoir : 2020-11-07